Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/11/2014

James Joyce, Brouillons d'un baiser, traduction de Marie Darrieussecq

                                                      James Joyce, Brouillons d'un baiser, traduction de Marie Darrieussecq, Tristan et Iseult, amour

                        [Tristan & Iseult]

 

   Lui, le gentleman, avait une tête de bicarbonate. D'abord c'était un martyr de l'indigestion, plutôt enclin aux hémorroïdes à force de s'asseoir sur les murs de pierre en se repaissant de la beauté de la nature et par dessus le marché à suivre les avis du Dr Morrue il s'était envoyé des potions quotidiennes d'extrait d'écorce de saule pour se garder de la grippe hibernienne quand il avait été frappé d'une toux têtue. D'une pâleur fiévreuse, où se lisait l'action des hautes mers sur un estomac abstinent, il contemplait les saints fantômes de ses amours estudiantines, Henriette au sommet de la meule de foin, Nenette de l'Abbaye derrière la porte de la buvette, Marie-Louise toute de plaisir et de puces, Suzanne pompette attrape-moi si tu peux, et, la dernière mais pas la moindre avec ses os pointus, la bonne du curé de la paroisse locale. Épouvantablement, il la passamoura de l'œil avec une expression bordée de noir.

   Elle leva la tête, les yeux suprêmement satisfaits. Car désormais elle tirait plutôt plein pot de son persiflage qu'il était un esclavamour à vie, c'était elle l'élue et pas cette chiffe à museau de souris et mèches d'épouvantail, Kateagnes O Halloran.

   —Johnny-qui-sourit, quémanda-t-elle gynelexicalement, est-ce que tu mêmemême un titi pou ?

[...]

 

James Joyce, Brouillons d'un baiser, Premiers pas vers Finnegans Wake, réunis et présentés par Daniel Ferrer, Préface et traduction de Marie Darrieussecq,

2014, p. 69.

06/09/2014

James Joyce, Poèmes, Chamber Music, traduction Jacques Borel

               Unknown.jpeg

Viens légère ou légère pars :

   Bien que ton cœur te fasse voir

Chagrins, vallons, soleils noyés,

   Que ton rire, Oréade, danse

Jusqu’à ce que l’air des sommets

Rebrousse avec irrévérence

Ta chevelure déployée

 

Sois légère et toujours ailée :

   Les nues qui voilent les vallées

Quand monte l’étoile du soir

   Sont les plus humbles des suivants :

Rire et amour se fassent chant

Si le cœur renonce à l’espoir.

 

 

Lightly come or lightly go :

   Though thy heart presage thee woe,

Vales and many a wasted sun,

   Oread, let thy laughter run,

Till the irreverent mountain air

 Ripple all thy flying hair.

 

Lightly, lightly — ever so :

   Clouds that wrap the vales below

At the hour of evenstar

   Lowliest attendants are ;

Love and laughter song-confessed

When the heart is heaviest. 

 

                  James Joyce, Poèmes, Chamber Music, Pomes

                 Penyeach, poèmes traduits de l’anglais et préfacés

                 par Jacques Borel, Poésie du monde entier,

                 Gallimard, 1967, p. 65 et 64.

22/06/2014

James Joyce, Finnegans Wake, traduction Philippe Lavergne

                  imgres.jpg

 

[...]

   Mais qui vient par ici avec ce feu au bout d'une perche ? Celui qui rallume notre maigre torche, la lune. Apporte les ramours d'olive sur la boue des maisons et la paix aux tentes de Cèdre, Néomène ! Le banquet du tabernacle s'aproche. Shop-shup. Inisfail ! Tinckle Bell, Temple Bell ; ding ding disent les cloches du Temple. Sur un ton de synéglogue. Pour tous ceux d'esprit vif. Et la vieille sorcière qu'on damemnomme Couvrefeu siffle de son allée. Et hâtez-vous c'est l'heure pour les enfants de rentrer à la maison. Petits, petits enfants, rentrez chez vous dans vos chambres. Rentrez chez vous vivement, oui petits, petits, allez, quand le loup-garou est dehors. Ah, éloignons-nous, restons chez nous où la bûche dans son foyer brûle lentement !

   L'obscurité tombe, (tint, tint) sur tout notre monde phénoménalement drôle. De l'autre côté la marée visite la berge du marais près de la borne de la route. Alvem marea ! Nous voici encircumenvelpeau d'obscurité. Hommes et bêtes ont froid. Il y a sur eux comme un souhait de n'être rien ni quoi que ce soit, ou seulement ce qui précède au pas de porte. Jardins zoologiques 8 Drr, deff, deucalion, pzz, appelle Pyrrha ! Ah où donc est notre épouse fondatrice, hautement honorable et salutaire . Le fou du logis est entré. Haha ! Hussard, où est-il ? À la maison, deux claires voix. Avec Nancy Hands. Tchitchi ! Le chien s'est enfui par les halliers. Oui hou ! Isegrim aux oreilles pendantes. Bon voyage !

[...]

 

James Joyce, Finnegans Wake, traduit de l'anglais et présenté par

Philippe Lavergne, Gallimard, 1982, p. 263.

06/01/2013

James Joyce, Poèmes, traduction Jacques Borel

Unknown.jpeg

Ma colombe, ma belle,

   Lève-toi, lève-toi !

   La rosée d ela nuit

Mouille mes yeux, mes lèvres.

 

Les vents embaumés tissent

   Tout un chant de souirs !

Lève-toi, lève-toi

Ma colombe, ma belle !

 

Je t'attends près du cèdre,

   Ma sœur et mon amour.

   Sein pur de la colombe

Mon sein sera ta couche.

 

La pâle rosée couvre

   Ma tête comme un voile.

   Ma blonde, ma colombe,

Lève-toi, lève-toi !

 

 

My dove, my beautiful one,

   Arise, arise !

   The night-dew lies

Upon my lips and eyes.

 

The odorous winds are weaving

   A music of sight :

   Arise, arise,

My dove, ma beautiful dove !

 

I wait by the cedar tree,

   My sister, my love.

   White breast of the dove,

My breast shall be your bed.

 

The pale dew lies

   Like a veil on my head.

   My fair one, my fair dove,

Arise, arise !

 

 

James Joyce, Poèmes, édition bilingue,

poèmes traduits de l'anglais et préfacés

par Jacques Borel, Gallimard, 1967,

p. 43 et 42.

05/04/2012

James Joyce, Poèmes (Musique de chambre)

james joyce,finnegans wake

À la rosée du rêve arrache-toi, mon âme,


À la lourde torpeur de l’amour, à sa mort,


Voici que de soupirs les arbres sont emplis,


Eux dont le jeune jour admoneste les feuilles.

 

Déjà l’aube grandit et règne à l’orient


Où surgissent des feux qui brûlent doucement


Et elle fait trembler tous ces ors et ces gris,


L’impalpable réseau des toiles d’araignées.


Tandis que doucement, tendrement, en secret,


S’ébranlent du matin les carillons fleuris


Et que les chœurs savants de la grande féerie,
   

Innombrables ! — partout commencent à monter.

 

From dewy dreams, my soul, arise,
   

From love’s deep slumber and from death,


For lo ! the trees are full of sighs
   

Whose leaves the morn admonisheth.


Eastward the gradual dawn prevails
   

Where softy-burning fires appear,


Making to tremble all those veils
   

Of grey and golden gossamer.


While sweetly, gently, secretly,
   

The flowery bells of morn are stirred


And the wise choirs of faery
   

Begin (innumerously !) to be heard.

 

James Joyce, Poèmes (Chamber Music, Pomes Penyach), édition bilingue, Poèmes traduits de l’anglais et préfacés par Jacques Borel, Gallimard, 1967, p. 45 et 44.